Le
mariage à Malte
d'Aurore Vérié
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en latin"
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Et maintenant, je vais vous parler mariage
car je viens de lire l'étude d'un historien, Frans Ciappara, qui a
traité ce sujet en tant qu'aspect de la société maltaise, de 1750 à 1800.
Ce livre, basé sur les archives paroissiales, les documents de l'Archevêché
et de l'Inquisition ainsi que sur les Libri Status Animarum, ce livre intitulé
"Marriages in Malta" nous éclaire sur une facette de la vie
de ceux qui furent les parents ou grands-parents de nos aïeux émigrants. J'espère
vous faire partager l'intérêt que j'ai éprouvé à le lire.
- Tout d'abord, l'auteur nous apprend que les jeunes filles ne se mariaient
pas aussi jeunes que nous le pensions : les statistiques nous montrent que
leur moyenne d'âge à leur noce était de 20 à 25 ans. Pour les hommes, la moyenne
était d'autant plus élevée que la famille était plus aisée, et qu'elle était
de 27 ans. Les différences d'âge entre époux étaient peu importantes et il
arrivait assez souvent que l'époux soit d'âge égal ou même plus jeune surtout
en cas de mariage avec une veuve.
- On ne se mariait pas comme on voulait et quand on le voulait. Pour éviter
des désordres, le Concile de Trente avait décidé en 1563, la tenue de registres
paroissiaux pour les baptêmes, les mariages et les décès ; il fallait que
le projet de mariage soit publié pendant la célébration de trois messes dominicales
; il fallait que le mariage soit public et en présence de deux témoins. Et
il était indissoluble. L'Eglise ordonnait et, le cas échéant, l'Inquisition
sanctionnait. Il y eut parfois des dispenses et des "arrangements"
mais, en général on ne plaisantait pas avec ces deux institutions. D'autre
part, l'Eglise encourageait le mariage pour éviter des situations chaotiques
et pour stabiliser les paroissiens.
- On ne se mariait ni en Avent, ni en Carême. On ne se mariait pas si on était
cousins. Or, les maltais aimaient se marier dans la famille ; on savait ainsi
à qui on avait à faire et on lavait son linge sale en paix. Mais l'Eglise
interdit ces mariages au-dessous du 4ème degré de consanguinité. Heureusement
pour la génétique!
- Pas de mariage possible non plus s'il s'avérait que le fiancé avait eu des
relations intimes avec la mère ou avec la soeur de sa future. Si le jeune
couple voulait convoler malgré cet obstacle, on entamait une longue procédure
car il fallait demander au Curé une dispense qu'il transmettait à l'Evêque
lequel, après une longue attente, répondait q'uon allait procéder à une nequête
et à des vérifications. Pendant ce temps, les fiancés étaient censés ne pas
même s'adresser la parole. En cas d'insoumission, le jeune homme risquait
3 à 9 mois de travaux d'intérêt public, tels que la réfection des églises
ou de l'hôpital.
- Il arrivait aussi que le jeune couple s'impatientait et on finissait par
les marier après leur avoir fait payer une amende. Et ce n'était pas tout!
Le jour de leur mariage, ils devaient attendre qu'on leur ouvrit les portes
de l'église, agenouillés devant l'entrée, une bougie allumée à la main. La
bague au doigt, ils n'en étaient pas encore quitte. Ils devaient promettre
de se confesser et communier tous les 15 jours, de jeuner le samedi, de dire
le Rosaire tous les jours, et cela pendant deux ans!
- Le mariage des enfants était l'affaire des parents. Ils multipliaient enquêtes,
démarches et tractations auprès d'autres familles souvent par l'intermédiaire
d'une "huttaba". Après de longs pourparlers, on mettait au point
un contrat devant notaire. Les époux prononçaient la première promesse dite
"per verba de futuro" ; elle engageait plus sérieusement
que des fiançailles car son annulation sans motif valable pouvait entrainer
l'excommunication. De plus, dans le cas où le jeune homme avit eu des relations
intimes avec sa fiancée, il risquait la prison. On peut supposer que ces cas
n'étaient pas rares car l'Eglise se vit obligée d'interdire en certains endroits,
aux femmes seules de recevoir des hommes après le coucher du soleil, sous
peine d'interdiction de séjour dans la paroisse.
- La deuxième promesse de mariage se faisait à l'église, le jour des noces.
C'était la promesse "per verba de praesentis",
c'etait le consentement mutuel sans lequel le mariage n'aurait pas été valide.
Mais le futur couple avait été "sérieusement exhortés au respect des
parents". En clair : pas de mariage si les parents n'étaient pas d'accord.
En général, il en fut ainsi mais il y eut quelques mariages clandestins.
- Les statistiques nous disent que 29% des naissances étaient conçues avant
mariage. D'abord la nature humaine est partout et toujours la même, mais il
y a une autre explication. Comme l'écrit Frans Ciapparra, on se mariait "pour
la procréation et non pour la récréation". Un mariage sans enfants
était impensable et c'était un malheur. Les enfants étaient l'assistance et
la sécurité pour les vieux jours, et Dieu l'avait voulut ainsi. Et puis Diable!
on n'avait pas fait ces démarches et ces dépenses pour rien! Sans aller jusqu'à
dire que le mariage était une affaire de gros sous, il en avait bien fallu
de gros et de petits, durement gagnés et économisés. Et les temps étaient
bien incertains.... Alors, pratiques, les fiancés "testaient" la
fécondité de leur future femme.
- Dans la grande majorité des cas, on n'habitait pas chez les parents, mais
on préferait de beaucoup résider dans la paroisse de l'épouse car mère et
file s'assisteraient mutuellement ce qui s'avèrerait moins facile avec le
belle-mère. Ils semble aussi que les petits-enfants préféraient le garnd-mère
maternelle.
- La proximité de ses parents était pour la femme une sécurité en cas de violences
conjugales, faits qui n'étaient malheureusement pas rares. C'était aussi un
refuge pour les enfants, le cas échéant. Les épouses malheureuses étaient
non seulement soutenues par la famille et le voisinage, mais aussi par l'Eglise.
On essayait d'abord de faire revenir le mari à de bons sentiments mais, en
cas de récidive, on l'envoyait aux galères ou en exil.
Et l'amour dans tout
ça? D'après les études de Frans Ciappara, les relations
conjugales semblent avoir été peu ou pas sentimentales. il cite
quelques témoignages de tendresse comme des exceptions. Il est
vrai que les maltais sont assez pudiques sur ce sujet, mais il
apparait que mariages et remariages aient été une alliance
"arrangée" plutôt que l'aboutissement d'un penchant
sentimental. Les hommes se décidaient prudemment à convoler
quand ils avaient de quoi assumer la charge d'une famille ; et ,
on constate parmi eux, une forte proportion de célibataires. Par
contre, les veufs se remariaient, et plutôt deux fois qu'une le
cas échéant. Quant aux filles, les parents disaient couramment
que "marier sa fille c'est bien, mais la garder à la maison
c'est mieux".
Et l'adultère?
C'était une aventure périlleuse ! Jugez donc. Au premier faux
pas, un mari volage écopait d'une amende, au deuxième aussi...
mais s'il récidivait c'était la flagellation en public et les
travaux forcés. Quant à l'épouse frivole, on l'enfermait au
"Conservatorio", sorte d'asile-prison, et on lui
confisquait sa dot.
La bigamie? Eh oui, il
y eut des cas de bigamies. On voyageait beaucoup, des maltais se
mariaient à l'étranger, puis "oubliaient" leur
premier foyer, revenaient au pays et en fondait un deuxième.
D'autres réduits en esclavage dans un pays musulman, une fois
libérés, épousaient une femme du pays. Et, pris de nostalgie,
ils retournaient à Malte et épousaient une "payse".
Du côté des femmes, certaines attendirent longtemps le retour
d'un mari. S'était-il noyé au cours d'un naufrage? tué au
cours d'un abordage? mort en captivité? Des témoins affirmaient
qu'il était mort, alors elles se remariaient. Et le mari
réapparaissait! Que de situations dramatiques et de mélodrames
peut-être... Aussi l'Eglise veillait à ce que ces désordres se
produisent le moins possible. Elle exigeait des marins et
voyageurs d'abord un certificat de baptême, une attestation de
leur Evêque et de deux témoins qu'ils étaient bien
célibataires, pour pouvoir se marier à Malte. Entre 1750 et
1790, il y eut 3251 demandes d'autorisation de mariage. Les faux
témoins étaient fouettés en public et condamnés à cinq ans
de galère. A la même époque 359 femmes sans nouvelles du mari,
demandaient à se remarier.
Une attestation de célibat pour Marco Gozzi
:
" Je suis sûr que l'homme en question est célibataire
et qu'il n'a jamais eu de femme et que, lorsqu'il est venu à
Contantinople comme esclave, il n'avair que 13 ans et que depuis,
j'ai toujours été avec lui, soit à Constantinople soit à
Malte. Pour cela, je dis sans aucun doute qu'étant célibataire,
il peut se marier ici à Malte. Après avoir rendu témoignagne,
le témoin à signer d'une croix.
Et voici un contrat de mariage passé devant notaire
pour les futurs époux Anna Gilestri et Salvatore Dimech
:
Le troisième jour du mois de septembre 1723. Au nom du
Seigneur, amen. Pour réaliser un heureux mariage, ce dit-jour,
Anna, fille légitime de Pietro Gilestri et de la défunte
Eugénia, conjoints, d'une part, et Salvatore Dimech, fils
légitime né de Domenico Dimech du village de Zebbug d'autre
part, lesquels ont donné leur consentement mutuel pour mariage
selon le rite romain en présence de témoins. Selon les règles
dotales, Pietro père de la dite épouse donne en dot à la dite,
des objets appartenant à la défunte Eugenia sa femme lesquels
objets selon la loi, reviennent à l'épouse tels que définis
comme appartenant à la communauté des biens tant paternels que
maternels. La dite loi donne et dote le dit époux en présence
de la dite épouse et il accepte la part indivise de la maison au
village de Tartani faubourg du village de Dingli ; laquelle
maison se trouve dans la rue où habite la famille Vella. Cette
maison doit être partagée par la dite épouse avec ses soeurs.
Ansi avant la fin de l'année, la dite épouse ne peut en rien
tenter de modifier cette décision et celles qui s'ensuivent. La
dot doit être donnée et remise selon les règles établies par
la loi. Elle doit être unique et respecter les termes de la loi.